Dessin animé
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La lecture du texte suivant n'est sûrement pas indispensable à la navigation sur ces pages, sinon cet avertissement, que vous trouverez .

 Je suis tombé dans le dessin animé par hasard en 1987, à l'occasion d'une exposition collective à Angoulême à laquelle Catherine Alexandre m'avait convaincu de participer. J'y rencontrai les responsables d'IDDH, une société de production installée depuis peu à St Yrieix en Charente, venus découvrir là les travaux personnels d'une partie de leurs employés. Ils aimèrent les dessins que je présentais et me proposèrent de compléter leur équipe de décorateurs pour une série (Molierissimo) sur laquelle ils commençaient à travailler. Ça ne devait durer que quelques mois et j'ai accepté en prévenant que j'avais tout à apprendre, ce qui devait être assez évident ! Je dus faire quelque progrès (merci en particulier à Igor, Bernard et Philippe...) puisque je terminai la série, en commençai une autre et de fil en aiguille y demeurai huit ans. Ce furent la fin de mes merveilleuses saisons sur l'ile de Ré, la fin de mes raids sauvages en 103 Peugeot dans les campagnes du Sud-Charente, la fin d'une post-adolescence languissante et très légèrement décadente, la fin de l'innocence. Bientôt je roulerais en 4l, bientôt je m'inscrirais au Conservatoire Municipal de Musique de Barbezieux au cours de guitare classique de Jean-Claude Audouin (avec un u...) ainsi qu'à la chorale au pupitre des basses, bientôt je choisirais mes meubles dans le catalogue Habitat, m'achèterais un chaîne hifi «audiophile» en éléments séparés, bientôt je m'abonnerais à Télérama, enfin tout ce qui signe l'arrivée d'un homme dans la vraie vie, la vie active ! Assez rigolé, j'allais gagner de l'argent !

 Ma première semaine fut mémorable ; au deuxième soir René, de passage en ses murs, offrait le champagne ! Le mercredi suivant Igor arrosait son anniversaire d'une nouvelle rasade et le Vendredi Philippe fêtait son premier enfant d'une troisième bordée : si Angoulême «vivait en ses images», St Yrieix baignait dans les bulles et le dessin animé était un beau métier ! Sincèrement, j'y ai vraiment cru quelques années ; «tout nouveau tout beau» mais pas seulement. À condition de s'y investir un tant soit peu le travail était intéressant, gratifiant et plutôt bien payé, l'ambiance amicale et décontractée. Si la plupart des gens avec lesquels je travaillais ne jurait que par la bande dessinée, quelques uns commençaient à se passionner pour l'image animée et à imaginer qu'une «carrière» pas débile y était possible. Par la grâce de la toute puissance des boîtes de productions s'installant à la pelle à Angoulême et de la relative complaisance des Assedics, «intermittent du spectacle» était encore un statut confortable ; la belle vie, vraiment!

 Ça s'est dégradé petit à petit, insensiblement ; avec la concurrence des régions, puis la «mondialisation», l'embauche de plus en plus de gens de moins en moins bien payés, toute une piétaille de petites mains dont il était évident que tous ne deviendraient pas «auteurs, «assistant-réalisateurs» ou «chef-décorateurs» (la plupart n'étant là que dans l'espoir de financer un premier album s'en fichait d'ailleurs royalement !). Ça s'est dégradé avec le dévoiement généralisé du statut d'intermittent et de tels abus de la part des studios, des boîtes de production et des télés qu'on en est arrivé ou l'on sait ; avec l'arrivée de nouvelles boîtes aux directions plus «réalistes», l'externalisation systématique d'une part de plus en plus grande du travail et les premiers départs fortune faite* des premières installées. Je me souviens avoir assisté, lors de dîners en ville réunissant des responsables de studios à l'occasion du festival*, à quelques conversations rigolardes et cyniques (au point, je peux en témoigner, d'en offusquer ma patronne de l'époque M.F. Brière, c'est dire...) sur les mérites respectifs des capitales régionales du point de vue des divers avantages à s'y installer, subventions, prestations et autres facilités... et des meilleurs moyens légaux de ficher le camp dans les meilleurs délais une fois raflé la mise pour recommencer ailleurs ! Un petit cours pratique de délocalisation sans état d'âme très édifiant ! (en 98, il semble que Grenoble émergeait provisoirement comme le nouvel Eldorado.) Triste constat et triste paysage sur lequel «Anabase»*, il faut bien le reconnaitre, fut une embellie dont je parle plus loin ; quatre belles années de travail dans les meilleures conditions au terme desquelles 52 épisodes de «Princesse Shéhérazade» furent fabriqués qui firent de moi le héros provisoire de tous mes neveux et nièces.

 Anabase partie j'ai un temps essayé d'embarquer sur un nouveau projet ; il fut vaguement question de Tunisie. À ma dernière tentative, je me suis retrouvé confronté à une sorte de Karatéka sombre et caractériel, chef décorateur surdoué mais qui menait au nunchaku une équipe de décorateurs médusée quelque part au Luxembourg ; et dont le chef layout de la succursale angoumoise qui nous avait recrutés murmurait avec goumandise qu'il avait été «approché par Disney»... Sans doute y est il à présent au faîte de sa carrière, mais ce dont je me souviens moi c'est qu'à force d'exigences, de bêtise crasse, d'ordres contradictoires et de pression il mit en larme mes deux collègues comme un vulgaire petit chef de MacDo ! Le projet (nous n'y étions manifestement qu'une sorte d'alibi à je ne sais quel montage financier tarabiscoté) capota «heureusement» en moins de deux mois (laissant mes deux amies sur le carreau).

J'estimai pour ma part ce jour là qu'il était temps de passer à autre chose...


*«fortune faite» : le plus souvent, une entreprise s'installe le temps de mener à bien un projet, court ou long métrage ou série télévisée et plie bagage ensuite ; de ce point de vue, IDDH fut exemplaire en enchaînant sur dix ans une bonne douzaine de productions.

*Festival de la Bande Dessinée d'Angoulême
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*«Anabase» : s'est installée à Angoulême en 1995 sous le nom de «Tilt Productions», pour y mener à bien la fabrication de 26 épisodes de «Princesse Shéhérazade» ; devant le succès de cette première fournée Marie France Brière, qui en était la directrice artistique, doubla la mise, ce qui nous mena jusqu'à l'an 2000.